Cette série de photos est un extrait de vacances chez mamie en Bretagne où j'ai pu partager nos souvenirs avec la famille Yaromenko. Rencontrer l'autre pour créer un échange dans une situation marquée par des conflits géopolitiques.
Qu'avons-nous qui nous sépare ?
Qu'est-ce-qui nous lie ?
Le même instant ne se vit pas de la même manière, il s'agit ici de comprendre les autres pour se comprendre soi- même. S'ancrer dans des moments de partage. Avancer sur le même chemin en laissant les émotions différer. En récupérer l'essence et la fusionner pour partager le quotidien et en faire une histoire à raconter.
Il y a l'odeur du café et la radio qui tourne en fond
La porte était toujours ouverte chez mamie, pour les inconnus qui ont besoin d’aide, pour ses amis, pour sa famille. Elle me racontait qu’il y avait toujours une assiette en plus à table quand elle était petite. Pour le marginal, pour le pèlerin, pour un pauvre de passage. C’était comme ça à l’époque, les paysans n’avaient pas grand-chose mais ils partageaient ce qu’ils pouvaient. Mamie a commencé à travailler jeune, mais elle me raconte son enfance heureuse avec plein de malice. Sa vie à la ferme où elle pouvait se lever très tôt pour donner un coup de main, toutes ses aventures à bicyclette, les inconnus de passage et même un réfugié chez elle à Hénon ce qui était peu commun pour l'époque. Le goût du partage lui est resté sans doute grâce à sa foi. Elle a accueilli, pendant un an et demi la famille Yeromenko, réfugiés Ukrainiens, composée du grand-père Dima, de la mère Anna et de son fils Gleb.
"C'est la vie, c'est la vie"
DIMA
Il était là, un homme marqué par la guerre, trop vieux pour partir au combat, mais trop jeune pour ne pas travailler. Lorsqu'il est arrivé en France, fuyant un pays dévasté, il n’a pas hésité une seconde : il a pris un travail dur, un travail qu'il ne méritait plus à son âge. Mais pour nourrir sa famille, il l’a fait, chaque jour, avec une détermination silencieuse. Ce n'était pas facile, et pourtant il restait toujours optimiste, toujours prêt à faire une blague. Il avait cette phrase qu’il répétait souvent, comme une leçon : "C’est la vie, c’est la vie." Cela me faisait sourire à chaque fois. Sa façon de voir les choses, de trouver de l'humour même dans la souffrance, apportait une légèreté autour de lui. Ma grand-mère l’adorait, elle riait sans cesse à ses histoires et à ses petites anecdotes.
C'est un homme d’une grande gentillesse, et pour tout cela, je l’aime beaucoup.
Anna
Elle me rappelle que, même dans les moments de peine, il est possible de s’adapter, de s’élever et de transformer l’incertitude en volonté d'exister.
Sa présence est un témoignage silencieux du pouvoir de la volonté humaine, de cette capacité à se reconstruire et à avancer malgré tout. À travers elle, je trouve une source infinie de courage pour persévérer.
GLOUBS
Il y a des liens que l'on ne peut s'expliquer.
Gleb ne parle pas beaucoup, ni avec moi, ni avec les autres.
Pourtant, nous partageons beaucoup d'amour tous les deux.
Il y a ces enfants qui ont besoin d'être compris, sans être entendu.
Allégorie de l'arbre
Cet arbre était pour moi l‘allégorie de ce que nous vivions, la beauté émane de choses que l’on ne contrôle pas. Comme blessé par cette torsion, l’arbre continue de vivre. Comme déraciné de son pays, la famille Yeromenko continue d’avancer. La vie nous fait prendre des chemins imprévus et une forme de beauté silencieuse et indomptable en émane.
Mamie était souvent pensive. Elle avait l’air fatigué et inquiète. Fatiguée par la charge mentale qu’elle s’imposait et inquiète par la situation politique. Elle a toujours aimé aider les autres, à sa manière et du mieux qu’elle pouvait. J’ai toujours admiré ces choses-là, ces gens-là. J’ai photographié un moment d’apaisement, de lâcher prise, elle ne laisse plus beaucoup de place à cela. Pas par contrainte, mais par choix car c’est ça qui l’anime. Je m’inquiète qu’elle en fasse trop. Je la remercie d’en faire autant.
Les bruits n’ont pas le même impact sur les gens.
Ce jour-là, les pilotes de l’armée française faisaient un entrainement militaire. Les bruits n’ont pas le même impact sur les gens. Hanna a eu peur lorsqu’elle a entendu les avions débarquer. Elle m’a confié qu’elle entendait les mêmes bruits lorsqu’elle appelait ses proches en Ukraine. Je me suis rendu compte de la chance que j’avais de ne pas avoir connu la guerre, de ne pas être impactée par les sons et les choses de la même manière. Comme un symbole de liberté sous les couleurs du drapeau français, nous avons savouré le spectacle aérien une fois les premières émotions passées.
La plage préférée de mamie.
C’est la plage préférée de mamie le matin. Nous allions au Dellec quand nous étions petites. Elle nageait avec ses quatre petites filles derrière elle, nous la suivions comme ses petits canetons. Cette photo fait écho à ce souvenir d’enfance, Gleb suit mamie et l’appelle « Jeanine, Jeanine» avant de la rejoindre à toute vitesse sur sa planche grâce à ses palmes. Nager, c’est son activité favorite.
J'aime partager avec lui nos endroits préférés afin d’y inscrire de nouveaux souvenirs.